Publication aux éditions l’Harmattan (2016) :
«Le portfolio entre ingénierie et reliance sociale»
Coordonnatrices : Béatrice Verquin-Savarieau et Marielle Boissart
Préface de Josette Layec
Post-face de Sylvain Vacaresse.
Contributeurs :
Hervé Breton, Docteur en sciences de l’éducation, maître de conférences associé, université de Tours.
Marielle Boissart, Docteure en sciences de l’éducation, CIVIIC, université de Rouen, cadre de santé formatrice.
Catherine Clenet, Maître de conférences en sciences de l’éducation, CIVIIC, université de Rouen.
Philippe-Didier Gauthier, Responsable formation, Doctorant en science de l’éducation, Equipe CAFORE – EGE, université Catholique de l’Ouest.
Jean Heutte, Docteur en sciences de l’éducation, Trigone-Cirel, EA 4354, université de Lille 1,
Christian Michaud, Docteur en sciences de l’éducation, professeur agrégé, CRIS EA 647, ESPE de Lyon1.
Béatrice Savarieau, Maître de conférences en sciences de l’éducation, CIVIIC, université de Rouen.
François Victor Tochon, Professeur, Wisconsin Center for Education Research (WCER).
Sabine Vanhulle, Professeur en sciences de l’éducation, TALES, université de Genève.
Résumé :
Du portfolio nord-américain au portefeuille de compétence à la française, la question de l’ingénierie de formation occupe le devant de la scène. En effet, si les processus de reconnaissance et de validation des acquis de l’expérience sont ici interrogés, les contextes sociaux et pédagogiques nécessitent de plus en plus de mobiliser réflexion, rationalité, organisation, moyens et processus de socialisation. D’un outil de communication ou de présentation d’un savoir faire, le portfolio devient de plus en plus un outil d’évaluation et un vecteur d’employabilité. Cet ouvrage collectif en interroge les ressorts et les enjeux.
La collection Ingénieries et formations de L’Harmattan.
Dirigée par Jean-Noel Demol et Catherine Guillaumin, cette collection interroge la démarche socio-professionnelle de l’ingénierie, soit les actions, dispositifs ou systèmes mis en œuvre de manière optimale en vue du développement des organisations et des personnes.
L’exploration de la conjonction entre Ingénieries et formations est opérée par des professionnels, des enseignants ou formateurs, des chercheurs universitaires. Les auteurs de cette collection inventent leurs propositions dans l’ère du nouvel esprit scientifique (1905) et de l’épistémologie bachelardienne (1938). En privilégiant un travail de recherche qualitative, ces productions s’inscrivent dans cette théorie de l’enquête que décrivait Dewey en 1938. La collection ouvre de nouvelles pistes d’analyse et d’interprétation dont le point de départ est toujours un doute authentique selon les mots de C. S. Peirce, une interrogation sincère sur les situations professionnelles et l’exercice du métier.
Présentation de l’ouvrage :
Nous entendons ici l’ingénierie en formation ou en éducation comme étant la production de compétences et de savoirs en lien avec les situations professionnelles ou sociales. L’ingénierie n’existe pas en soi, c’est bien l’objectif de production de savoirs et de compétences qui est la finalité première, par la mise en œuvre d’une réflexivité cherchant à déjouer l’incertitude croissante du monde économique et des logiques prédictives. Si ces savoirs et compétences sont reliés au contexte d’usage, qu’il soit professionnel ou social, ils ne se réduisent absolument pas à des connaissances opérationnelles et techniques mais les intègrent dans des connaissances plus vastes et des savoirs génériques. Autrement dit la finalisation des savoirs contextués n’est pas uniquement opératoire mais plus largement sociétale, il s’agit là de penser la complexité et les systèmes résultant des organisations économiques, techniques et humaines. C’est pourquoi, à la suite de Thierry Ardouin (2013) nous définissons l’ingénierie de formation comme étant : « une démarche socioprofessionnelle ou l’ingénieur-formation à, par des méthodologies appropriées, à analyser, concevoir, réaliser et évaluer des actions, dispositifs et/ou systèmes de formation en tenant compte de l’environnement et des acteurs professionnels. »
L’ouvrage : « Le portfolio entre ingénierie et reliance sociale » propose dans une visée novatrice et combinatoire, de rendre lisible la place du portfolio au regard des trois niveaux de l’ingénierie de formation, que sont l’ingénierie des politiques (niveau macro), l’ingénierie des systèmes de formation (niveau méso) et l’ingénierie pédagogique (niveau micro), et d’une perspective reliante des processus de transaction, coopération et production (Guillaumin, 2013). Ce portfolio en tant que dispositif rejoint les travaux portant sur les objets techniques qui ont toujours été présents en formation (représentations iconiques ou sonores, illustrations de situations pour analyses et corrections, programmation d’exercices et d’entraînements à l’acquisition de compétences, outils de communication et de collaboration à distance), juxtaposés ou coordonnés selon les besoins. Ces objets, comme l’affirme Brigitte Albéro (2010), « constituent avec l’activité des acteurs et utilisateurs, un environnement à la fois médiatisé par la transposition sur un support et médiateur aussi bien de que par la relation humaine ».
Cette perspective reliante caractéristique de cette relation humaine doit donc être explicitée. Nous empruntons ici à Bolle de Bal, la notion de reliance qui possède une double signification conceptuelle, soit l’acte de relier ou de se relier, et le résultat de cet acte, soit la reliance vécue ou l’état de reliance. Concernant les actes et états associés à une personne, la reliance manifestera : « La création de liens entre une personne et soit un système dont elle fait partie, soit l’un de ses sous-systèmes» (Bolle de Bal, 1996, p.68). La reliance sociale peut donc être considérée comme un processus de médiation entre les différents acteurs d’un système, tel que celui de la formation ; plus ou moins institutionnalisé, elle conditionne la structure de la reliance permettant de relier les acteurs entre eux.
L’acte de reliance prendra alors le nom de « portfolio », afin de parvenir à la reliance vécue concrétisée par ces processus de transaction, coopération et production mis en œuvre. La reliance devient alors un produit, à partir des liens entre les acteurs sociaux qui résulte du ou des systèmes médiateurs dont font partie les acteurs, c’est le lien de reliance (Bolle de Bal, 2003, p. 105).
Première partie : Le portfolio comme support du processus de transaction en éducation et en formation.
Le portfolio en tant qu’outil de communication peut également permettre à chacun de valoriser son cheminement personnel et par là même ses apprentissages. D’un outil de présentation d’un savoir-faire, il devient de plus en plus un vecteur de reconnaissance voire d’employabilité. Il peut également servir à évaluer ou s’auto-évaluer. L’éducation est un apprentissage de multiples transactions avec le milieu dans lequel chacun évolue (Dewey, 1938). En cela, l’éducation est un facteur de transaction, qui suggère comme l’indique le préfixe « trans », une action qui traverse. La transaction éducative implique donc la reliance et nécessite des opérateurs de reliance. L’accompagnement est un type de reliance qui s’inscrit dans la durée et interroge ses modalités de mise en œuvre.
Dans cette partie sera questionné le niveau macro de l’ingénierie, soit le niveau de l’analyse stratégique qui prend racine dans ce processus de transaction. La transaction qui est aussi l’opération de base des rapports sociaux, peut faire communiquer bon gré mal gré, les unités sociales par-delà leurs frontières (Pineau, 1980). En cela, les transactions se repèrent aux frontières des organisations et des institutions et entre les niveaux de l’ingénierie. C’est ce que nous nous proposons d’illustrer, au travers de trois entrées différentes questionnant le processus de transaction mis en œuvre dans les usages du portfolio.
–Béatrice Savarieau : Le portfolio entre dimension stratégique du dispositif et agencement technique, pour une diversité des usages.
–Hervé Breton : L’expérience du portfolio et ses ingénieries. Ce cheminement expérientiel entre « acquis » et « à venir » crée un espace « d’entre deux » par lequel se forment des capacités d’évolution professionnelle. En lien avec l’ingénierie des politiques, il revient sur les questions de la valorisation de l’employabilité propre à chaque personne, en lien avec la théorie de l’enquête de Dewey pour en montrer les conséquences pratiques en termes d’émancipation des croyances et de variations des dispositions.
–François-Victor Tochon : « Logiques d’intégration des portfolios électroniques en formation des enseignants turques et français : Trois études de cas. »
Deuxième partie : Le portfolio facilitateur de coopération ?
Au niveau méso s’inscrivent les programmes et les dispositifs élaborés nécessairement à partir d’un processus de coopération entre les acteurs de la formation. Comme l’affirme Alter, 2010 : « On coopère parce qu’on a un problème à traiter, mais on choisit de coopérer avec telle ou telle personne parce qu’on a envie d’échanger avec elle » (Alter, 2010, p. 16).
Le processus de coopération est ici explicité d’une part en rapport à ces dispositifs de formation où les acteurs entrent en partenariats afin de construire une œuvre commune : celle de l’utilisation d’un portfolio. D’autre part, les usages des portfolios peuvent également révéler la production d’une œuvre commune avec comme processus caché mais articulé celui de l’émancipation. En effet, le portfolio, lorsqu’il est utilisé dans une logique d’échanges entre pairs ou entre formés et formateurs, ouvre une perspective conjointe d’un double mouvement d’auto-co-éco formation selon la théorie tripolaire de la formation de G. Pineau (1991). Dès lors ce processus de coopération témoigne, par les travaux choisis dans cet ouvrage, que les transactions sociales soulignent s’il en est nécessaire, l’étroitesse des relations entre formation, expérience et activité professionnelle, en formation d’adultes. C’est ce que nous nous proposons d’illustrer, au travers de trois entrées différentes questionnant le processus de coopération mis en œuvre dans les usages du portfolio.
–Christian Michaud : «Pratiques et usages du portfolio en formation des maîtres ?» Il s’intéresse aux enjeux de formation et de développement professionnel portés par le portfolio en formation des maîtres. Il s’inscrit également dans la thématique de la réflexivité, en questionnant le rôle du portfolio dans la mise en œuvre d’une analyse de pratique en vue d’une réflexivité effective. Ici sera mise en évidence la coopération pédagogique qui intègre à la fois l’équipe pédagogique mais aussi le travail d’explicitation et de réflexivité réalisé par l’étudiant.
–Marielle Boissart : « Le portfolio vecteur de socialisation professionnelle co-construite. Elle s’appuie sur les usages du portfolio en formation infirmière. Elle situe le portfolio comme mode de socialisation et de construction identitaire dans une visée professionnalisante. La coopération prend sa signification dans un travail conjoint d’analyse des pratiques de l’étudiant avec le formateur et le tuteur de stage.
–Philippe-Dider Gauthier : «Usages du e-portfolio : de l’auto socialisation à l’identité professionnelle numérique. » De nouveaux usages sociaux des ePortfolios en cours de carrière professionnelle, stimulés par les environnements numériques et les réseaux sociaux en ligne. Au travers d’un témoignage d’usage de ePortfolio en cours de carrière, que peut-on apprendre des dynamiques de reliance et de leurs effets sur les parcours, sur les transitions professionnelles et leurs transformations identitaires, et sur l’effort personnel pour développer son employabilité durable ? Voici une étude de cas.
Troisième partie : Le portfolio outil de production de savoirs ?
Nous abordons enfin le niveau micro qui est ici singularisé par le processus de production et notamment de production de savoirs. Cette production de savoirs par des apprenants acteurs-auteurs constitue un habitus de pratique professionnelle. L’habitus correspond au sens de Bourdieu à un ensemble de schèmes dont dispose un acteur. Il en parle comme d’une combinaison de schèmes, qui dans la pratique professionnelle, permet l’adaptation des actions à des situations toujours renouvelées, sans pour autant qu’il y ait une explicitation des principes d’action (Bourdieu, 1972, p. 209).
Le portfolio, par l’écriture des situations professionnelles qu’il requiert, positionne les apprenants comme auteurs et engendre une prise de conscience des principes d’action mobilisées en situations. En effet, l’écriture, entre autres, convoque une posture dialogique lors de laquelle, le narrateur analyse sa pratique en la confrontant au réseau de concepts choisi pour comprendre, réguler son activité et la conscientiser (Boissart, 2012, p. 21). Le portfolio en tant que producteur de savoirs revêt plusieurs états du processus de production dont ce dernier serait finalement secondaire au processus d’intégration.
En lien avec cette question de la production des savoirs médiatisée par le portfolio, nous proposons trois autres chapitres.
–Catherine Clenet : « Le portfolio : ses spécificités pour un accompagnement de l’auto-formation» se penche sur la problématique de l’accompagnement de l’autoformation, avec pour support le portfolio, dans une approche humaniste et constructiviste.
– Sabine Vanhulle : « Le sujet « hors de soi » traite de deux axes de réflexion : d’une part, celui du rapport que le portfolio induit entre les personnes en formation, en tant que personnes biographiques, et les médiations formatives dans lesquelles elles élaborent leurs savoirs et leur soi professionnels ; d’autre part, celui du rapport réciproque entre des questions de formation et des problématiques de recherche, qui nous renvoie aux conditions favorables au développement des personnes à travers leur formation professionnelle.
–Jean Heutte : « Homo-sapiens retiolus : La part des autres dans la persistance à cultiver son identité et ses compétences » interroge le portfolio dans ses porosités en tant qu’espace personnel d’apprentissage mais rendu visible à d’autres.
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Pour commander l’ouvrage : Sur le site des Editions l’Harmattan ici
Pour citer ce billet : Gauthier, P. (2016). Le Portfolio, entre ingénierie et relance sociale. Récupéré le [jour mois année] du site : http:// blog.accompagner-demarche-portfolio.fr